Je suis partisan d’un strict respect de la neutralité philosophique, politique et religieuse dans les établissements scolaires publics

Le nombre de publications qui protestent contre le buzz provoqué par l’interdiction du port de l’abaya à l’école publique est plutôt amusant. C’est peut-être bien l’expression massive des opposants à cette interdiction qui entretient le buzz justement.

Il y a par ailleurs beaucoup de mauvaise foi dans leurs arguments.

« Il y a deux ans, c’était les crop top, aujourd’hui l’abaya. »

« L’abaya est juste un vêtement, pas un signe d’appartenance religieuse. »

Ces arguments nient ce qui me semble une évidence. Les collégiennes et lycéennes qui portent (ou portaient, avant son interdiction) l’abaya sont musulmanes, animées par l’intention d’afficher leur appartenance à une communauté, en l’occurrence une religion. Elles ne sont ni méchantes ni mal intentionnées, elles sont juste, sans en avoir conscience pour la plupart, portes paroles d’une revendication communautariste.

« Quelques dizaines de cas, la plupart réglés en interne dans les établissements, n’auraient pas dû provoquer un tel tollé. »

720 incidents liés au non-respect de la laïcité recensés dans les écoles en octobre 2022, je ne qualifierais pas ce chiffre d’insignifiant, surtout qu’il est hausse importante. 130% de plus qu’en septembre 2022. Source : ministère de l’Éducation Nationale. Et puis les chefs d’établissements expriment leur désarroi face aux tenues d’appartenance religieuse et sont demandeurs d’instructions de leur tutelle. Source : Syndicat national des personnels de direction de l’Education Nationale.

« Quand je vois un élève avec un polo blanc, je ne me dis pas qu’il veut inciter ses camarades à aller au catéchisme. »

Il fallait y penser… C’est juste sans fondement. Par contre, le jour où des collégiens ou lycéens arboreront les vêtements ou les signes d’appartenance ou de sympathie à l’extrême-droite, oui il faudra réagir, puisque qu’au-delà de la laïcité, la neutralité philosophique et politique aussi s’impose dans les établissements publics des 1er et second degré. Ça me rappelle quand un surveillant de mon lycée m’avait demandé il y a longtemps de retirer mon badge antiraciste « touche pas à mon pote ». Il avait raison, même si ça m’avait beaucoup contrarié.

« Le buzz sur l’abaya est voulu par le gouvernement pour cacher les vrais problèmes, comme le manque d’enseignants. ».

Bon, là, c’est vrai. Le gouvernement exploite sans vergogne ce problème pour faire un contrefeu au manque catastrophique d’enseignants.

Ceci dit, la logique voulant qu’on ne traite pas un sujet considéré comme secondaire (ça se discute) si les sujets considérés comme majeurs ne sont pas réglés ne me parait pas convaincante. En plus, vu le nombre d’actions revendicatives engagées par les parents d’élèves, les enseignants et les mairies pour protester contre ce manque d’enseignants, je suis moyennement convaincu que le contrefeu va fonctionner.

Alors ?

D’abord, en dehors des établissements publics, chacune et chacun a le droit d’afficher ses convictions et son appartenance philosophique, politique ou religieuse. Pour ce qui concerne la religion, la loi du 9 décembre 1905 a solidement ancré ce droit, même s’il est souvent contesté, par ignorance notamment. Combien de fois lit-on ou entend-t-on « en France, la religion doit rester dans le domaine privé ». C’est tout simplement faux d’un point de vue légal.

Bien sûr, avec cette polémique sur l’abaya les islamophobes s’en donnent malheureusement à cœur joie, avec souvent de la violence et toujours beaucoup d’outrance.

Mais ce n’est pas parce que l’opposition à l’abaya est défendue notamment par les partisans du RN (pour faire court) que ça doit légitimer l’abaya. Là encore, je ne vois pas la logique du raisonnement.

Je suis partisan d’un strict respect de la neutralité philosophique, politique et religieuse dans les établissements scolaires publics. Cette neutralité passe par l’interdiction claire de tous les signes d’appartenance à un groupe philosophique, politique ou religieux. Pas d’abaya donc.