Mayotte, pas de solution simple, mais une nécessité « d’élargir la focale »

Publié le 25 février 2024

Article paru dans Le Monde daté d’aujourd’hui

« Avec la remise en cause du droit du sol, la crise à Mayotte menace de gangrener un fondement de la République »

Le Monde – Philippe Bernard – Publié le 25 février 2024 – Chronique

Dénoncer la proposition de l’exécutif ne signifie pas nier la nécessité de tenir un discours de vérité et d’apporter des réponses à la crise qui sévit sur l’île, rappelle dans sa chronique Philippe Bernard, éditorialiste au « Monde ».

Bien sûr, dénoncer aujourd’hui La Trahison des clercs, comme le fit l’essayiste Julien Benda (1867-1956), voilà près d’un siècle, ne se fait pas à la légère. Cela suppose de considérer que le moment est grave, comme il pouvait l’être lorsque, en 1927, fut publié ce livre qui annonce « la guerre la plus totale et la plus parfaite que le monde aura vue ». Pourquoi cette terrible prémonition ? Benda accusait les intellectuels de son époque de manquer à leur devoir de vigilance en désertant le terrain de la pensée abstraite – la vérité, la justice, la raison – pour celui des passions politiques – la race, la nation, la classe. Au lieu d’user d’arguments rationnels, ils construisaient la justification idéologique de la haine raciale et du totalitarisme qui allaient ravager le monde.

Nous ne sommes pas en 1927, mais la puissance de la démonstration de l’écrivain humaniste résonne étrangement à notre époque où, plutôt que d’argumenter logiquement à partir de vérités établies, certains préfèrent jeter en pâture à l’opinion des boucs émissaires. Le lamentable débat sur la loi « immigration », censurée en partie par le Conseil constitutionnel à la demande de l’exécutif lui-même, a donné un exemple de ce jeu de massacre de la rationalité républicaine, tout en leurrant l’opinion sur l’efficacité de énièmes mesures censées « maîtriser l’immigration ».

Loin de tirer les enseignements de cet épisode désastreux, l’exécutif le relance. Emmanuel Macron, en faisant annoncer par son ministre de l’intérieur, dimanche 11 février, un projet de révision constitutionnelle destiné à supprimer le droit du sol à Mayotte afin de « couper l’attractivité » du département, prend la responsabilité d’un affrontement national sur l’un des terrains préférés de l’extrême droite.

Elargir la focale

Mais, surtout, il ne dit pas la vérité aux Français, cette « vérité » que Julien Benda reprochait aux « clercs » – les leaders d’opinion – de mépriser. Le premier « attrait » de Mayotte pour les migrants n’est pas la perspective de la nationalité française – soumise en réalité à plusieurs conditions –, mais le différentiel de niveau de vie abyssal avec les îles comoriennes voisines, qui alimente une migration de survie et d’espoir. Qui peut croire qu’un projet de changement constitutionnel, au destin incertain mais aux effets délétères, contrarierait ce type d’attraction à l’œuvre sur tous les continents, partout où un Etat développé jouxte un pays pauvre ?

Dénoncer l’impasse de la suppression du droit du sol ne signifie pas nier la nécessité d’apporter des réponses à la situation quasi insurrectionnelle qui prévaut à Mayotte, où routes et services publics sont bloqués par des « collectifs citoyens » en colère contre l’insécurité et l’immigration irrégulière. Ni prétendre que l’île peut continuer d’absorber les flux d’immigrants disproportionnés qui la déstabilisent. Le discours de vérité dont a besoin Mayotte passe par un élargissement de la focale : sa situation inextricable résulte de l’échec de la décolonisation des anciennes Comores françaises, dont Mayotte était l’une des quatre îles.

Alors que Valéry Giscard d’Estaing avait primitivement refusé que les voix de Mayotte soient décomptées à part, lors du référendum du 22 décembre 1974 sur l’indépendance, la droite et les socialistes ont décidé ensuite de faire droit à la revendication pro-française spécifique aux Mahorais. Cette convergence politique n’a jamais cessé, jusqu’à la départementalisation acquise en 2009. Depuis cinquante ans, l’île est au centre d’un conflit entre deux grands principes de droit international : tandis que la France met en avant celui d’autodétermination des peuples pour justifier sa souveraineté sur Mayotte, l’Union des Comores, l’Etat né de l’indépendance de l’archipel, la conteste. Il se prévaut d’une vingtaine de résolutions votées à l’ONU affirmant l’unité territoriale des quatre îles, Mayotte comprise, conformément au principe de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation.

Une crise postcoloniale et internationale

« Les Comoriens sont chez eux à Mayotte », a répété, au lendemain des annonces de Gérald Darmanin, l’entourage du président comorien, Azali Assoumani, qui vient d’être réélu lors d’un scrutin entaché d’irrégularités. Son régime voit dans le projet de suppression du droit du sol « le début d’une remise en cause de la soi-disant appartenance de l’île de Mayotte à la France ».

Reconnaître que la crise à Mayotte n’est pas seulement migratoire, mais postcoloniale et internationale, marquerait déjà un pas. « Il n’y a pas de mesure simple face à la crise à Mayotte, et les affirmations morales, même justes, ne peuvent remplacer une réflexion d’ensemble sur le fait que la départementalisation, dans un contexte d’échec de la décolonisation, a ses limites », estime Didier Leschi, directeur général de l’Office français de l’immigration et de l’intégration. Pareille lucidité tranche avec l’incapacité de la plupart des élus, de droite mais aussi de gauche, d’admettre que la question du statut de l’île est posée.

Alors que les maux dont souffre Mayotte menacent de gangrener un fondement républicain du pays avec la remise en cause du droit du sol, une vaste « opération vérité », une mise à plat permettant d’inclure l’île dans son environnement régional, serait la bienvenue. En 2018, le Quai d’Orsay avait étudié, à la demande de l’Elysée, l’idée d’une « communauté de l’archipel des Comores ». Remisée depuis lors, elle mériterait d’être relancée.

En 1988, il avait fallu la tragédie d’Ouvéa pour lancer le processus ayant mené aux accords de Matignon sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie. L’équation mahoraise est très différente. Mais la méthode de large concertation incluant le temps long, employée alors par Michel Rocard, pourrait s’y appliquer. L’actuel premier ministre, qui se fait fort de déminer les problèmes dont se repaît l’extrême droite, pourrait trouver sur Mayotte l’occasion de déployer ses talents.

Aménagement de la couverture de la déviation et de ses abords – respecter la faune sauvage !

Publié le 7 février 2024 – cet article paraitra prochainement dans la rubrique libre opinion du magazine municipal de Boissy-Saint-Léger.

Reprise à peine modifiée de notre article d’avril 2022

Cinq Non, sept ans après le concours désignant la société chargée de l’aménagement de la couverture et des abords de la déviation, les financements et les détails du projet final ne sont toujours pas connus.

Parmi les enjeux de cet aménagement, créer des aires de loisirs, faciliter les cheminements piétons et cyclistes, préserver les habitats de la faune sauvage.

Des chevreuils, des daims, d’autres mammifères, de nombreuses espèces d’oiseaux, d’insectes et de batraciens habitent ces espaces, s’y nourrissent, s’y reposent, s’y reproduisent et s’y déplacent.

Le projet doit impérativement respecter ces habitats, pendant la réalisation des travaux et lorsqu’ils seront terminés. Chaque bosquet, chaque creux, chaque pied d’arbre peut abriter un animal ou un groupe d’animaux. Les clôtures protégeant aussi bien la faune que les usagers des routes et des trottoirs doivent être entretenues et faites comme il faut, ce qui n’est pas le cas actuellement. L’État est gravement défaillant, nous devons lui rappeler ses engagements.

Préserver les espaces naturels… ET construire des nouveaux logements

Publié le 30 janvier 2024

Peut-on être écologiste et militer pour répondre aux besoins de nouveaux logements en construisant ?

Bien sûr que oui !

C’est vrai que Boissy se densifie, avec de nouveaux logements et de nouveaux habitants. Mais il faut poursuivre, en matière d’urbanisme, au moins ces deux objectifs que je crois compatibles : préserver à tout prix les espaces naturels, agricoles et forestiers, y compris en désimperméabilisant partout où se sera possible (par exemple cours d’écoles, allées de la Haie Griselle, terrasses abusives chez les particuliers, trottoirs quand c’est possible) et construire de nouveaux logements qui manquent encore cruellement.

Alors densifier la ville sur elle-même me semble la meilleure solution, surtout à proximité d’une gare RER et d’une gare routière. Éviter absolument l’étalement urbain.

J’ai par exemple toujours été favorable à la construction de la Charmeraie. J’étais inquiet concernant les places dans les écoles pour accueillir les nouveaux enfants mais il semble que la place disponible dans les écoles actuelles suffise. J’avais émis des réserves quant au « triangle » appartenant à l’État et à Orange et qui est maintenant sur la zone de veille foncière (entre ave De Gaulle, rue de Brévannes et ligne RER), et sur lequel il y a aura à terme d’autres logements. Mais j’ai changé de point de vue, ça ne nuira pas aux espaces naturels, et ça fournira là encore quelques logements de plus à une population qui en a besoin.

Par contre, les divisions parcellaires dans le quartier du Bois Clary posent d’autres problèmes, en artificialisant trop les jardins, ce qui appauvrit la biodiversité, réduit la présence de haies et d’arbres, et apporte sur la voie publique de nombreuses voitures qui encombrent les trottoirs et créent des situations de conflits.

Aidez le monde agricole, adhérez à une AMAP

Publié le 24 janvier 2024

Quitte à consommer moins, faisons vivre en priorité les exploitations à taille humaine et respectueuses de l’environnement et du bien-être animal. Exemple : AMAP.

J’approuve tous ces gens qui disent soutenir les agriculteurs en colère et en galère. J’aimerais bien savoir combien, parmi ces soutiens, choisissent les produits alimentaires qu’ils consomment en tenant compte de leur lieu de production (consommons français, limitons l’empreinte carbone des transports), des produits utilisés pour augmenter la productivité, du bien-être animal, etc.

En France, dans le Val-de-Marne, en 2024, on peut mourir de froid dans la rue

Publié le 23 janvier 2024

Mardi 16 janvier. Un sans-abri meurt de froid au Kremlin-Bicêtre.

Trois jours après, le 19 janvier en fin de journée, j’ai vu un sans-abri devant la mairie de Boissy, installé sur un banc. Je lui ai parlé et il m’a dit avoir renoncé à appeler le 115 qui ne répondait pas. J’ai réussi à joindre le 115 et leur ai indiqué où était le monsieur, son prénom et son nom et les quelques renseignements qu’il m’avait donnés pendant notre échange.

Le problème est que la personne que j’ai eue au téléphone ne pouvait rien faire si ce n’était pas l’intéressé lui-même qui appelait, pour des raisons de confidentialité m’a-t-elle dit. Franchement, j’ai trouvé ça anormal. Comment fait-on si la personne à la rue ne parle pas le français, n’a pas de téléphone ?

Je suis alors revenu voir le sans-abri, qui m’a confirmé qu’il avait un téléphone et qu’il allait les rappeler. J’ai insisté pour qu’il le fasse, la météo prévoyait des températures très basses cette nuit-là. J’avais un peu d’argent sur moi, je lui ai donné ce que j’avais en lui conseillant d’aller dans un café boire quelque chose de chaud et de manger un peu, et bien sûr d’appeler le 115.

Entretemps, un maire-adjoint présent m’a expliqué que la mairie avait fait le nécessaire en prévenant un peu plus tôt la croix rouge qui devait arriver pour l’emmener. J’ai transmis l’info au sans-abri. Je ne l’ai pas revu en repartant, et d’après les informations que j’ai eues il a été déposé à l’hôpital par la croix rouge pour d’autres soucis de santé.

Macron et le RN, une pensée troublante

Publié le 17 janvier 2024

Hier soir, mardi 16 janvier, je me suis retrouvé un peu par hasard devant la conférence de presse du président de la république. J’ai l’ai donc écouté pendant le moment où il s’en prenait au RN.

Qu’il puisse reprocher au RN de s’inspirer de la politique sociale de l’extrême-gauche pour justifier que c’est un parti politique dangereux me choque profondément, quelle que soit l’opinion qu’on puisse avoir des propositions de la gauche radicale.

Quoi, le fait que le RN alimente le sentiment anti-immigrés et accuse les étrangers ou les Français d’origine étrangère d’être la cause de presque tous les maux de notre société est donc passé sous silence ?

Le passé récent antisémite du RN, sa violence contre les médias, sa vision réactionnaire de la famille, son appétit pour les réponses exclusivement répressives face à la délinquance, sa nostalgie colérique d’une France blanche et chrétienne fantasmée, son rejet de l’islam sans faire la différence entre terrorisme islamiste et pratique tranquille de cette religion ne sont pas les raisons principales qui justifieraient qu’on le combatte ?

L’expression « les extrêmes », mêlant extrême-droite et gauche radicale était plutôt utilisée jusqu’à présent par les réactionnaires de droite. E. Macron l’a utilisée plusieurs fois pendant cette séquence, en mettant dans le même sac, le RN et, sans jamais nommer ses cibles, une partie de la gauche.

Ça me met très mal à l’aise que le président de la république lui-même fasse sienne cette pensée.

Vœux du maire et du conseil municipal à la population

Publié le 13 janvier 2024

Vendredi 12 janvier 2024, à la salle des fêtes de la Ferme de Boissy, le maire et le conseil municipal présentaient leurs vœux à la population de Boissy-Saint-Léger.

De sympathiques interventions des représentantes du conseil d’enfants et du conseil de jeunes, ces deux conseils faisant un gros travail et ont un programme ambitieux et très intéressant pour 2024. Puis un discours du maire de Lauda-Königshofen, notre ville allemande jumelée, lu par Claire Gassmann, conseillère déléguée chargée entre autre du jumelage, et un discours du maire que j’ai bien aimé et pour lequel il a invité les élus municipaux présents à le rejoindre sur l’estrade.

Les présents étaient tous contents de se retrouver après une interruption de trois ans due au covid. Ça a été l’occasion de discuter et d’échanger de façon bien agréable avec de nombreuses personnes en sirotant un verre. Le buffet était préparé et servi par les personnels de « la Clepsydre« , Établissement de Service et d’Aide par le Travail (ESAT) de Santeny. Initiative solidaire à saluer.

J’ai eu le plaisir de voir ou revoir beaucoup d’amis ou de proches, bavarder quelques instants avec le sénateur Pascal Savoldelli. Dans ce court échange, il m’a dit que son engagement en politique était motivé par le fait qu’il aimait les gens. Belle motivation !

2024, pire ou meilleure ?

Publié le 2 janvier 2024

Certes, nous aurons collectivement et individuellement à affronter toutes sortes de soucis pour cette nouvelle année, nos santés, les inquiétudes pour nos proches et pour nous-mêmes, des fins de mois peut-être difficiles, des embouteillages assommants et des désaccords dans les collectifs de vie et de travail dont nous faisons partie.

Il y aura aussi encore malheureusement des conflits armés et humainement dévastateurs dans le monde, ceux dont on parle et ceux qui ne font pas la une des journaux télévisés. Nous subirons d’autres évènements météorologiques qui feront des dégâts.

Ça, c’est ce qui pourrait nous conduire à dire « à quoi bon », nous inciter à nous replier sur nos familles et nos amis les plus proches, devenir nihilistes et individualistes, coléreux et égoïstes.

Et puis il y a l’autre voie, faite d’espoir et de résilience, d’engagements personnels et collectifs, de réflexion et d’action pour la transition écologique et sociale. C’est la voie de la réflexion collective et de l’action, celle qui émancipe, celle qui donne de la joie.

C’est le seul vœu que je formule, pour vous, pour nous, pour celles et ceux que nous aimons, pour les autres aussi, pour la planète et tous ses habitants, vivants ou abritant la vie, les humains et les autres. Construisons la voie collective de l’action, là où nous sommes, là où nous vivons.

Bonne année 2024 !

Jolie môme est priée de quitter le théâtre de Saint-Denis La Belle Étoile

Publié le samedi 30 décembre 2023

Sans forcément jeter la pierre à la ville de Saint-Denis qui a probablement de bonnes raisons de faire une mise en concurrence, ça fait un peu mal au cœur d’apprendre que la troupe « Jolie Mômes » doit quitter le théâtre « La Belle Etoile ».

J’y avais rencontré Marine Tondelier et François Ruffin au début de la campagne des dernières municipales quand j’y étais allé avec Sam et Sylvie. Chouette souvenir militant, en plein mouvement des gilets jaunes.

Article complet paru aujourd’hui dans Libé disponible sur demande.

Noël, 2023 qui se termine, on se souhaite de bonnes fêtes, ou pas ?

Notre article qui paraitra vers le 15 décembre dans la rubrique libre opinion du magazine municipal d’information de Boissy-Saint-Léger

L’année 2023 aura été… agitée. Entre les guerres et leurs lots de malheurs, la sécheresse de l’été, les tempêtes de la Toussaint et tout le reste, stop, on voudrait du bonheur et de l’espoir !

Du bonheur et de l’espoir, nous n’avons pas ça en magasin pour mettre au pied de votre sapin.

Mais des souhaits, nous en avons.

Des vélos et des pistes cyclables entretenues ; des trottoirs sans obstacle pour les piétons ; casser le bitume et le béton partout où c’est possible pour plus d’espaces naturels ; une augmentation de salaire, de pension, de quoi vivre décemment, quoi… ; des arbres, de l’art et de l’amour ; un logement de qualité et adapté à la famille qui l’occupe ; la santé et des moyens pour la santé ; une alimentation saine, bio ; halte aux violences sexuelles et sexistes ; une école inclusive avec des moyens matériels et humains ; moins de Facebook, plus d’apéros ; un meilleur accès aux services publics.

A Boissy comme ailleurs, dans vos familles, vos entreprises, vos quartiers, passez un joyeux Noël et un bon réveillon de fin d’année 2023 !