Ma famille était catholique pratiquante, et j’ai été élevé dans cette culture. Mon premier acte de rébellion a été de refuser d’aller à la messe vers mes 13 ans. Le côté scolaire de la chose me déplaisait beaucoup et je savais bien qu’il y avait une grosse contradiction entre les règles imposées par les cadres de la paroisse et les « valeurs » théoriques véhiculées par l’Eglise, et en particulier par ma catéchiste, une voisine réactionnaire, raciste et triste.
Plus tard, vers 16 ans, la fréquentation de l’aumônerie du lycée où j’étais scolarisé m’a donné le moyen de vivre quelques années de bonheur : les filles, la guitare et les weekends (ou vacances) d’aumônerie, mais aussi la nature et la biodiversité (camping rustique, respect de l’environnement, dépenses minimums – sobriété avant l’heure – remise en état des lieux avant de repartir), loin de la famille et de la routine. Dieu dans tout ça ? Un peu présent, mais plutôt comme support poétique et artistique aux messes d’enfer qu’on animait avec d’autres guitaristes, dans les églises où nous choquions quelques grenouilles de bénitier et enthousiasmions les autres fidèles ou autour des feux de camp pendant lesquels nous prenions conscience de notre force et de notre volonté collective de construire un monde meilleur. C’est là, en premier, que ma formation politique a commencé.
Quelques années après, c’est devenu plus sérieux, avec la participation à une communauté chrétienne, partage de quelques pourcents de nos revenus, échanges réguliers sur notre vie, sur la bible, dans un esprit d’ouverture assez exceptionnel. Trop sans doute, c’est à cette période et grâce à la lecture critique de la bible que j’ai finalement perdu la foi. Je suis devenu dès ce moment-là, à 25 ans, agnostique, avec quelques regrets et la certitude que je ne « rencontrerai » plus jamais Dieu. Je me souviens de cet instant, la perte de ma foi, comme d’une révélation.
Maintenant
J’observe avec étonnement celles et ceux, nombreux, convaincus, qui croient en un être dont je sais bien qu’il n’existe pas. Pour beaucoup, ils semblent heureux de leur foi et de la force qu’elle leur procure. Ceux-là, celles-là, sont souvent des personnes faisant preuve d’une grande humanité et sont acteurs et actrices de lien social et de l’espoir en l’avenir. Bien sûr, on peut aussi avoir ces qualités sans être croyant.
Je vois avec crainte et colère l’usage que font certaines et certains d’entre eux de cette foi, un outil de prosélytisme et de tri entre les croyants et les « mécréants » dont je suis, sans ostentation. Dans ce chapitre, je mets pèle mêle les intégristes de tous bords et de toutes religions.
J’observe, comme tout le monde, avec effroi, l’intolérance poussée à son paroxysme par une fraction des musulmans, petite fraction sans aucun doute, mais qui par son agitation et sa violence fait énormément de mal à notre société et d’abord aux victimes de sa brutalité.
J’appartiens à cette communauté humaine qui répète sans cesse qu’il ne faut pas mélanger les pratiquants musulmans qui savent ce que le respect des autres communautés et des incroyants veut dire, qui font la différence entre les règles de leur religion et la règle commune qu’ils savent supérieure et prioritaire, et cette frange plutôt insaisissable, dans le sens où pour moi leurs motivations sont encore plus énigmatiques que leur foi, qui peuvent sombrer dans la délinquance de l’intégrisme politico-religieux et la violence physique.
Je m’inquiète des discours d’une fraction de la gauche, qui sans justifier les dérives violentes, trouve des raisons (des excuses ?) dans l’histoire de leurs pays d’origine et des souffrances subies par leurs ancêtres pendant la colonisation.
Est-ce que je respecte les religions ? Sincèrement oui. Je suis capable d’observer et de respecter a priori ce que je ne comprends pas. Je ne fais pas mienne cette formule de Salman Rushdie qui déclarait que « le respect des religions » cache en fait la peur des religions.
Mais ma crainte d’une société de plus en plus religieuse est grande. J’y vois, peut-être en me trompant, une autre facette de la perte de lucidité face à la réalité. Complotisme, antivax, religiosité, sont plusieurs expressions d’un besoin de construire sa propre réalité dans un groupe soudé, probablement plus simple et rassurante que celle de la vraie vie.